mercredi 18 janvier 2012

Historique de l'enseignement du dessin à l'école de 1750 à 1910

     

    En France, Rousseau, dans son Emile, fut un des premiers à sentir et à marquer l’importance du rôle que le dessin peut jouer dans l’éducation. Ce rôle, à vrai dire, il semblait le limiter à l’éducation physique, en recommandant surtout le dessin comme propre à développer la justesse de l’œil et l’habileté de la main. Il ne lui échappa pas pourtant que, s’il importe tant de bien voir, c’est qu’il y a là une condition pour bien juger.

    Quatre ans après la publication de l’Emile, le peintre Bachelier, dans un Discours sur l’utilité des écoles élémentaires en faveur des arts mécaniques (1766), proclamait l’utilité du dessin comme préparation à l’apprentissage, comme point de départ de l’éducation professionnelle, et, de ses deniers, il fondait pour les enfants de la classe ouvrière une école gratuite qui fut l’ébauche de notre Ecole des arts décoratifs.
    Il y avait là des germes qui ne devaient pas être étouffés.

    Il fallut du temps toutefois pour que le dessin commençât à être envisagé au point de vue de la philosophie générale de l’éducation, et les premières tentatives que firent les pouvoirs publics pour organiser cet enseignement s’inspirent moins des idées de Rousseau que de l’entreprise de Bachelier.

    Dans le projet d’organisation de l’instruction publique élaboré par le Comité de constitution de l’Assemblée nationale (1791), le dessin figure parmi les objets de l’enseignement primaire : « Dans les villes et bourgs au-dessus de 1000 âmes, on enseignera aux enfants les principes du dessin géométral » (Titre Ier, art. 6). II est clair que c’est à la formation des futurs artisans que l’on a songé. Même préoccupation dans la loi du 28 juin 1833, qui met le dessin dans le nombre des matières obligatoirement comprises dans le programme des écoles primaires supérieures : on voulait qu’il aidât à préparer de bons contremaîtres et chefs d’atelier. La loi du 15 mars 1850 supprima les écoles primaires supérieures par prétérition ; mais on crut devoir retenir quelque chose de la préparation professionnelle qu’elles donnaient, et le dessin linéaire fut inscrit parmi les branches facultatives de l’enseignement primaire.

    De même, dans la première moitié du dix-neuvième siècle et au delà, presque tous ceux qui, isolément, se mêlèrent d’enseigner le dessin eurent beaucoup moins souci de sa valeur éducative que des résultats pratiques qu’il pouvait donner. Des ouvrages, comme ceux de Cloquet, de Montabert, Daix et Patroit, Mme Cavé, Dupuis, etc., sont bien moins des méthodes, en dépit du titre qu’ils portent parfois, que des recueils de recettes techniques propres à former des praticiens adroits.

    Cependant, insensiblement, cheminait l’idée que l’on avait plus et mieux à faire. Cette idée fut mise dans une lumière plus vive par l’Exposition de Londres, en 1851, et par le succès qu’obtint en Angleterre l’enseignement donné au South Kensington Museum. Pour la première fois, en 1853, l’Université de France fit entrer le dessin dans le cadre de ses disciplines ; cette année-là, un règlement du 29 décembre rendit exécutoire un plan d’études pour l’enseignement du dessin dans les lycées, qui avait été élaboré par une commission dont Félix Ravaisson fut le rapporteur. Ce nom seul suffit à indiquer que l’on avait eu des ambitions plus hautes que par le passé, et l’on put mieux se convaincre encore qu’il ne s’agissait plus seulement de préparation industrielle quand, par le décret du 2 juillet 1866, le dessin (linéaire, d’ornement, d’imitation) fut rangé au nombre des matières comprises dans le programme des écoles normales.
    C’était là sans doute un notable pas en avant.

    Par malheur, on ne prit pas assez soin de donner les moyens de vivre à cet enseignement nouveau que l’on créait. On avait rédigé des programmes ; il s’en fallait de beaucoup qu’ils fussent parfaits ; mais ils auraient eu beau être excellents, on n’avait pris aucune mesure pour former des maîtres capables de les appliquer. Il n’est pas besoin de chercher plus loin pour s’expliquer que l’enseignement du dessin, sous le second Empire, n’ait pas pu prendre une vie véritable.

    Après les désastres de la guerre étrangère et de la guerre civile, ce fut une pensée commune à tous les républicains que l’instruction publique pouvait et devait être un des instruments les plus énergiques de la restauration nationale. Au premier plan des préoccupations se plaça alors l’enseignement moral et civique ; mais on ne négligea pas non plus les autres branches de l’éducation, et, l’Exposition universelle de 1878 étant venue révéler les progrès que l’enseignement du dessin avait faits à l’étranger, on comprit qu’il était temps de le réorganiser chez nous ou, pour parler plus juste, de lui donner une organisation véritable.

    Cette fois, le premier soin que l’on prit fut, comme il convenait, de former un personnel de maîtres qui présentât des garanties. Un arrêté du 31 janvier 1879 institua le corps des inspecteurs de l’enseignement du dessin ; immédiatement les inspecteurs nommés firent une enquête par toute la France ; sur leurs indications fut établi un règlement pour l’obtention du diplôme de professeur de dessin ; une première session d’examen s’ouvrit quelque temps après, et un Musée pédagogique de l’enseignement du dessin fut créé et installé dans les bâtiments de l’administration des beaux-arts. Après quoi, Jules Ferry nomma une grande commission d’étude, dont la tâche consista, après avoir dépouillé les résultats de l’enquête des inspecteurs généraux, à déterminer la méthode générale des programmes, à rédiger et à dresser la liste des modèles qui seraient mis en usage.

    L’homme qui fit prévaloir ses idées dans la commission, le statuaire Eugène Guillaume, était un éminent artiste et, surtout, un artiste savant. C’est sur la science qu’il fonda la méthode qu’il proposait, et qu’il n’eut pas de peine à faire accepter, parce qu’on était alors dans une période de ferveur scientifique. Pour lui, le dessin est avant tout une science, et, de cette science, la géométrie est la base. Il a donc une méthode « dont les principes s’enchaînent rigoureusement et qui, dans ses applications variées, donne des résultats d’une incontestable certitude ». L’objet de l’enseignement du dessin est beaucoup moins de stimuler la personnalité de l’élève, de susciter chez lui le sentiment et le goût artistiques, que de le mettre en état de reproduire avec une exactitude rigoureuse les modèles qu’on place sous ses yeux. C’est d’après ces principes que furent rédigés les programmes, non seulement pour les lycées et collèges, mais pour les écoles primaires élémentaires, les écoles primaires supérieures, les écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, tous établissements où l’enseignement du dessin devenait obligatoire ; c’est la méthode Guillaume, la méthode « géométrique », comme on l’a justement dénommée, qui, depuis 1880, a été la méthode officielle dans toutes les écoles de France.

    Tout ce mouvement de réforme, qui s’accomplit de 1878 à 1880, n’a pas été sans donner de bons résultats. L’institution d’un diplôme spécial pour les professeurs de dessin a permis de constituer un personnel instruit, et qui, d’ailleurs, est sous le contrôle constant de l’inspection générale ; nul doute aussi que, par le fait seul qu’il a été déclaré obligatoire, l’enseignement du dessin se soit relevé dans l’opinion générale. Mais on s’aperçut bientôt que, dans sa partie proprement pédagogique, la réforme était moins heureuse.

    A l’heure même où triomphait la méthode géométrique, Ravaisson s’était élevé contre elle. Il ne voulait pas admettre que l’on pût faire reposer l’enseignement du dessin sur la géométrie : « Le dessin, disait-il, repose, dans son opération la plus élémentaire, à laquelle toutes les autres peuvent être réduites, sur un jugement d’une nature spéciale, entièrement différent de ce jugement dont se servent les mathématiques ». Ce jugement, il le désigne ailleurs sous le nom d’intuition ; la méthode applicable à l’enseignement du dessin, c’est donc, à son gré, la méthode intuitive. Il trouve aussi très fâcheux que l’on se donne surtout pour but d’obtenir l’exactitude, la correction, et que 1’on se mette peu en peine d’éveiller la personnalité, de former la sensibilité et le goût artistiques. Le dessin « enseigné comme il doit l’être, dit-il, non seulement sert à procurer à un certain nombre de ceux qu’on y exerce une habileté plus ou moins grande à représenter les formes, qui est très utile dans quantité de professions et dans beaucoup d’occurrences de la vie ordinaire, mais encore il procure à tous, quoiqu’à divers degrés, une justesse d’œil et un goût qui sont d’une utilité universelle ».

    Voilà ce qu’Eugène Guillaume, dans la controverse qu’il engagea avec Ravaisson (Voir l’article Dessin dans la 1re édition de ce Dictionnaire, Ire PARTIE), appelait « s’enivrer de théories esthétiques ». Il ne put pourtant pas ne pas s’apercevoir, avant de mourir (1905), que les tendances de son contradicteur faisaient du chemin et menaçaient de ruiner son œuvre. Une réaction générale se prononçait à l’étranger contre la méthode géométrique. Elle était combattue, en Angleterre, par E. Cooke (The A. B. C. of Drawing ; an Inquiry into the principles underlying elementary instruction in Drawing, Londres, 1897), en Amérique par Liberty Tadd (New Methods in Education, New York, 1899). En Allemagne, Konrad Lange, Leibrock, Schwartz, entre beaucoup d’autres, faisaient campagne pour que la culture esthétique ne fût plus sacrifiée à la culture intellectuelle, et critiquaient la méthode d’enseignement du dessin des professeurs Stuhlmann et Flinzer, très analogue à la méthode Guillaume. « La caractéristique des anciennes méthodes, écrivait Leibrock, c’est que le dessin d’après nature est le dernier degré de l’enseignement, tandis qu’on place au premier degré le dessin des formes géométriques et ornementales. On fait pendant des années moisir les enfants sur des carrés, des angles droits, des étoiles à huit pointes, tant et si bien qu’ils perdent le sens de la nature et de la beauté, que l’on tue en eux la joie qu’ils pourraient éprouver à voir l’œuvre de leurs mains, et, de cet enseignement, il ne leur reste rien que l’horreur invincible de l’ennui qu’il leur a causé. »

    Tout cela indiquait que la faillite de la méthode géométrique était imminente. Elle se consomma d’abord en Amérique et en Angleterre. Les réformateurs eurent ensuite gain de cause en Prusse, où le 12 juin 1901 fut rendu exécutoire pour la Volksschule un plan d’études du dessin établi d’après leurs idées. Le contre-coup de cette révolution pédagogique ne tarda pas à se faire sentir en France, où, d’ailleurs, la méthode Guillaume avait déjà, sur certains points, subi quelques atteintes. Par exemple, aux Cours complémentaires professionnels manuels et ménagers de la Ville de Paris, on s’efforçait d’appliquer à l’enseignement du dessin une méthode surtout expérimentale, ce qui signifie qu’elle s’attache à développer chez l’enfant le besoin et l’habitude de l’observation directe, et aussi une méthode active, c’est-à-dire une méthode qui ne vise pas seulement à obtenir de l’élève la reproduction exacte d’un modèle, mais qui tend à lui donner le désir et le moyen d’appliquer à une idée de son choix les notions qu’il a acquises.

    Au reste, nombre d’industriels se plaignaient que les jeunes gens formés par la méthode officielle dessinaient très médiocrement ; d’autre part, les professeurs constataient dès longtemps que les résultats répondaient mal à leurs efforts. Ce personnel enseignant était plus instruit que jadis, plus pénétré de la portée de son rôle, plus curieux de ce qui se passe au dehors, plus à même de satisfaire cette curiosité grâce aux Congrès internationaux de l’enseignement du dessin qui se tinrent à Paris, en 1900, et à Berne, en 1904, moins isolé (car des Amicales de professeurs de dessin se fondèrent sur divers points à l’exemple de l’Association des professeurs de dessin de la Ville de Paris, créée en 1897). Il ne crut pas pouvoir demeurer indifférent et inerte. En 1906, M. G. Quénioux, professeur à l’Ecole des arts décoratifs, qui préconisait la méthode intuitive, fut autorisé par le vice-recteur de l’académie de Paris à la mettre en expérience aux lycées Michelet et Lakanal, ainsi qu’à l’Ecole alsacienne. Peu de temps après cette décision, l’Union des Amicales des professeurs de dessin (fondée en 1905) demanda au ministre de l’instruction publique de nommer une commission chargée d’étudier les réformes nécessaires : réforme de la méthode, des programmes d’éludes, des examens du professorat, de l’inspectorat. Comme pour préparer le terrain, la plupart de ces questions furent librement débattues par les professeurs dans des discussions qui suivirent les conférences sur l’Enseignement du dessin données au Musée pédagogique, dans l’hiver de 1908, par MM. Guébin, Keller, Quénioux, Cathoire et Francken. Enfin, suivant le vœu de l’Union des Amicales, une commission chargée de réviser les programmes du dessin pour les lycées et collèges de garçons (classes enfantines ; divisions préparatoires ; division élémentaire ; premier cycle, classes de sixième et de cinquième, de quatrième et de troisième ; second cycle, classes de seconde, de première, de philosophie, et de mathématiques) et les lycées et collèges de filles (classe enfantine ; classes primaires ; enseignement secondaire) fut nommée par le ministre à la fin de l’année scolaire 1908 ; et le résultat de son travail fut approuvé par le Conseil supérieur de l’instruction publique dans sa session de décembre de la même année.

    Ce travail ne comporte pas de simples remaniements et retouches : c’est une réforme d’ensemble et fondamentale: c’est une méthode nouvelle substituée à la méthode Guillaume, qui fut la méthode officielle pendant près de trente ans.

    Dans les Observations générales qui précèdent les programmes nouveaux rendus exécutoires par les arrêtés du 6 janvier 1909, dans les Instructions qui accompagnent le programme particulier de chaque classe, enfin dans le Rapport sur la réforme, présenté au Conseil supérieur de l’instruction publique par M. Gustave Belot, est exposée la doctrine dont s’est inspirée la commission. En voici les traits essentiels :

    1° Tout enseignement doit être adapté au développement des élèves appelés à le recevoir. Or, au début, l’étude du dessin s’adresse à des enfants très jeunes, pour qui les questions de mesures, de distances, de proportions sont encore très difficiles à comprendre. C’est donc commettre une erreur pédagogique que de vouloir les enfermer pendant de longues années dans l’étude des lignes et des angles, des courbes et des solides géométriques. Les qualités visibles de formes et de couleurs sont, au contraire, naturellement accessibles aux enfants. La méthode prendra donc pour base et pour point de départ l’observation directe de la nature, c’est-à-dire des objets réels et des formes vivantes ;

    2° La nature est concrète. Le dessin ne doit pas être abstrait. La géométrie n’est pas dans la nature telle que nous la percevons immédiatement et que nous cherchons à la rendre. On n’exclura donc aucun élément naturel, on envisagera non seulement la représentation des formes, mais aussi celle des couleurs et des reliefs. On ne limitera plus au trait seul les procédés de traduction qui seront mis en usage ; on ne condamnera plus l’écolier à n’avoir d’autre outil que le crayon. Tous les procédés pratiques pourront être employés : dessin au trait, emploi des crayons de couleur, de l’encre de Chine et de l’aquarelle, modelage ;

    3° L’enseignement du dessin n’aura pas pour objet principal de faire acquérir aux élèves une certaine habileté technique. Si on les met en contact avec la nature sous toutes ses formes, si on les laisse libres de l’observer sous les aspects qui les touchent le plus, si on leur permet de l’interpréter par tous les moyens pratiques qui peuvent être employés, c’est que, loin de vouloir étouffer en eux le sentiment, on se propose de le susciter et de le développer ; on les sollicite à produire l’impression personnelle qu’ils reçoivent du modèle. Aussi, plus que d’une exécution exacte et correcte, le maître tiendra compte de la sincérité avec laquelle cette impression sera rendue. De plus, à l’aide de certains exercices appropriés (arrangements décoratifs, illustrations de jeux d’enfants, de récits d’histoire, de fables et de contes), on encouragera les facultés imaginatives des écoliers. En un mot, le dessin cessera d’être impersonnel ; sans abandonner l’élève à sa fantaisie, on s’efforcera de mettre en valeur, en les guidant et les perfectionnant, ses goûts naturels et ses aptitudes spontanées ;

    4° Dès lors que l’enseignement du dessin ne vise plus seulement à former des copistes, mais que, si ambitieux que le mot puisse paraître, il pousse les élèves à créer, on peut estimer qu’il tient à l’art en un certain sens. Science is knowing, Art is doing, disent les Américains. Pourquoi, au reste, l’étude du dessin ne serait-elle pas une préparation, sinon à la pratique, du moins au goût et à l’amour de l’art? Serait-ce que, dans notre système d’éducation, la culture esthétique ne saurait avoir sa place? Et, s’il faut, au contraire, lui en faire une, cette culture, n’est-ce pas surtout le dessin qui peut, qui doit la donner? Tel est précisément l’avis de la commission, et, dès le début des Observations générales, on a pris soin de l’exprimer nettement. Traçant la courbe que doit suivre l’enseignement du dessin, « il accompagnera d’abord — dit-on — et fortifiera les leçons de choses ; il s’élèvera ensuite à des exercices d’observation plus compliqués, pour aboutir enfin au développement du sens artistique et à l’intelligence des œuvres d’art » ;

    5° Il est un dernier trait par où se caractérise la récente réforme, et c’est peut-être celui qu’il importe le plus de signaler : par elle, l’enseignement du dessin reçoit la même orientation que les autres disciplines et est remis en harmonie avec les directions pédagogiques du système général des études universitaires ; là, comme ailleurs, on restreint le plus possible le rôle de l’abstraction ; là, comme ailleurs, on convie l’élève « à faire directement usage de ses facultés, et le maître à susciter et à guider la spontanéité de l’élève, non à l’étouffer sous les règles ». Il y a plus : non seulement le dessin est orienté comme les autres études, mais, entre les classes de dessin et celles des autres professeurs, on prend soin d’établir une coordination ; on veut créer une liaison étroite entre le dessin et les autres matières de l’enseignement. Il est recommandé au professeur de dessin d’utiliser « les notions de mathématiques et de géométrie, acquises dans d’autres classes, pour insister sur les questions de mesures, de proportions, de perspective ». On voit par là que la géométrie n’est pas absolument exclue, mais simplement remise à la place qui lui appartient légitimement. De même, il conviendra de profiter des programmes d’histoire «pour aborder l’étude des œuvres du passé, pour parler de l’art égyptien, assyrien, grec, romain, français, en plaçant dans la classe quelques plâtres bien choisis. Les études des sciences naturelles peuvent aussi fournir matière à des choix de modèles intéressants. » Ainsi l’enseignement du dessin cesse de se réduire à une technique étroite et spéciale ; il devient partie intégrante du système général des études. Pour la première fois, on reconnaît toute son importance pédagogique et on lui donne les moyens de développer sa vertu éducative.

    C’est de là, semble-t-il, que la réforme peut tirer sa principale force et assurer son succès, en dépit de ce qu’elle offre de radical au premier abord.

    Ce succès, cependant, risquerait de se faire attendre plus qu’il ne convient, si la réforme des programmes de dessin pour les lycées et collèges de garçons et de jeunes filles n’avait, à brève échéance, pour corollaire la réforme des programmes d’examen pour le professorat du dessin. Cette question, la commission nommée en 1908 n’avait pas pour office de l’examiner, mais elle en a soigneusement marqué l’importance, et, en attendant une solution, elle a cru pouvoir donner aux maîtres actuellement en exercice des conseils et des exhortations pour modifier et améliorer leur méthode. Si l’on examine le détail des nouveaux programmes, on voit en effet que chacune de leurs parties est accompagnée d’Instructions, présentées sous une forme brève, mais qui n’en forment pas moins un guide pédagogique complet, à l’aide duquel le professeur peut marcher sans crainte de faire fausse route.

    Quelques maîtres, dérangés dans leurs habitudes, pourront tarder un peu à s’adapter aux directions nouvelles, mais le mauvais vouloir, les résistances ne sont pas à craindre. A cet égard, tout indique que le rapporteur qui a présenté au Conseil supérieur l’exposé des principes de la réforme a envisagé les choses avec justesse : « Assurément, a-t-il dit, il faut s’attendre par endroits à quelque flottement et à quelques difficultés d’adaptation. La nouvelle méthode suppose chez les professeurs de dessin un niveau de culture générale qui n’est pas atteint uniformément aujourd’hui. Mais nous savons déjà qu’un bon nombre de maîtres n’attendent que la consécration officielle de tendances déjà répandues. Et l’accord spontané qui s’est produit à la commission ministérielle entre les novateurs et les représentants de l’ancienne méthode nous permet de penser que les idées nouvelles avaient dès longtemps fait leur chemin dans les esprits et qu’elles ne prendront presque personne au dépourvu. »

Résumé historique de Maurice Pellisson, Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d'Instruction primaire, Buisson 1911, Article "Dessin"
source de l'image : http://anciencollegien.hautetfort.com/archive/2010/02/03/un-maitre-d-ecole-inoubliable.html


Voir la suite de l'article :

La méthode intuitive en dessin, par Gaston Quénioux (1911)

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